Quelles sont les spécificités d’une production d’énergie renouvelable au niveau local et insulaire ? Michael Coudyser, fondateur et directeur général de Corsica Sole nous répond. Il nous explique aussi pourquoi, selon lui, il faudrait faire de l’hydrogène un enjeu stratégique pour l’Europe.
00:00L'invité de Smart Impact c'est Michael Coulisère, bonjour.
00:09Bonjour.
00:09Vous êtes le directeur général de Corsica Sol créé en 2009, vous l'avez créé avec Paul Antoniotti.
00:16Votre métier c'est quoi ? Producteur d'énergie ?
00:18Absolument, producteur et stockage d'énergie.
00:20Voilà, parce qu'on ne fait pas que produire, on la stocke pour donner l'énergie au réseau quand un talent a vraiment besoin.
00:26Et alors vous produisez quoi ? Essentiellement du solaire, Corsica Sol ?
00:29C'est ça, exactement, bien vu. On est parti de Corse en faisant du solaire, donc c'est ce qu'on continue à faire.
00:34On produit essentiellement de l'énergie solaire avec des panneaux, comme on imagine.
00:38Et la particularité c'est que nous depuis 10 ans, cette énergie, on ne fait pas que la stocker et la déverser dans le réseau.
00:44Mais avant la déverser dans le réseau, souvent on la stocke pour la déverser au bon moment.
00:47Par exemple, on la stocke en plein après-midi pour la déverser sur le réseau à la pointe du soir quand les Corses par exemple rentrent chez eux et ont besoin d'électricité.
00:55Ça c'est vraiment une évolution du métier de producteur d'énergie, notamment d'énergie solaire.
01:01C'est-à-dire que plus vous grandissez, plus vous intégrez à un réseau où il faut cette souplesse.
01:07C'est ça, exactement. Toutes les énergies intermittentes, le vent, le soleil, le solaire en particulier, elles produisent quand les éléments sont là.
01:15La conso, elle, elle vit au rythme de l'humain. Et donc quand il y a très très peu de solaire, c'est pas grave, mais quand la part du solaire devient significative dans le réseau, là il faut commencer à être intelligent.
01:26Donc effectivement, c'est ce qu'on commence à voir sur la plaque européenne. Le solaire représente maintenant 10-12% en France.
01:31Mais ce 10-12%, nous encore, ça l'a atteint il y a 10 ans. Donc depuis 10 ans, on fait du solaire et du stockage d'énergie.
01:37Donc ça, c'est vraiment une tendance de fond. C'est que tous les pays d'Europe, de continentale, pour intégrer de plus en plus de renouvelables, sont en train de favoriser des projets,
01:48de faire émerger des projets de stockage d'énergie pour la stocker quand il y a beaucoup de vent et la déstocker le soir.
01:54Ça veut dire que ce que vous faites en Corse depuis plus d'une décennie, vous le faites ailleurs aujourd'hui ?
01:58Absolument. C'est ça, effectivement. Alors en Corse-Casso, on n'est pas très connus, normal, à l'échelle nationale.
02:02Mais dans le domaine du stockage d'énergie, vu qu'on en fait depuis 10 ans, on est parmi les leaders européens.
02:08Donc on a inauguré une des plus grandes centrales européennes, qui était la plus grande il y a deux ans quand on a inauguré en Belgique.
02:14Et actuellement, on se développe dans beaucoup de pays européens. Nous sommes en train de construire deux centrales en Estonie, aux confins de l'Europe.
02:21Et on développe des projets en Italie, en Pologne, en République tchèque et bien sûr en France continentale.
02:26Et alors, ce qui est intéressant dans l'anticipation, c'est que finalement, il y a des leçons de ce qui se passe en Corse qu'on peut tirer au niveau national.
02:35Vous me racontiez juste avant que l'interview démarre qu'il y a une logique d'heure creuse.
02:38C'est ça.
02:39Comment ça marche en Corse aujourd'hui ?
02:41Oui, exactement. Aujourd'hui, les heures creuses sont décalées l'après-midi, là où il y a beaucoup de soleil et souvent aussi les coups de vent.
02:49Parce que jusqu'à présent, les heures creuses étaient calquées sur le modèle de la France continentale, heures creuses de nuit.
02:53C'était absurde encore.
02:54Oui, c'était du fioul.
02:55Donc du coup, on incitait les gens à chauffer leur eau à travers leur eau chaude à partir de fioul, ce qui était absolument absurde.
03:02Et donc là, du coup, maintenant, ils sont lancés dans les heures creuses l'après-midi, aux heures solaires.
03:07Et donc, le prix de l'électricité tombe, puisqu'à ce moment où l'électricité n'est pas chère.
03:11Et puis, le poids carbone de l'électricité en Corse tombe aussi, puisqu'on chauffe notre eau dans le chauffe-eau à partir de l'énergie solaire.
03:18C'est quand même mieux.
03:18Et c'est sans doute ce qui va se mettre en place aussi sur tout le territoire national.
03:23Il y a aussi des projets autour de l'hydrogène.
03:25Alors, est-ce que vous avez encore, je dis encore parce que l'hydrogène n'est pas le secteur qui a le plus le vent en poupe aujourd'hui,
03:31la conviction que ça peut devenir stratégique dans le modèle énergétique européen ?
03:38Alors oui, moi, je pense qu'à l'échelle de l'humanité, l'humanité a globalement vécu, très bien vécu avec l'énergie solaire.
03:44On a une petite parenthèse, un petit peu avec du pétrole et maintenant un petit peu avec du nucléaire.
03:50Mais globalement, un monde 100% solaire est totalement envisageable.
03:53Et dans ce monde-là, il faudra des moins de stocker cette énergie.
03:56Donc là, aujourd'hui, on le fait très bien avec des batteries.
03:58Les batteries qu'on trouve dans les véhicules électriques.
03:59C'est très industriel, ça marche bien, c'est très efficace, c'est pas très cher.
04:02Mais quand on va vouloir stocker sur une saison, stocker l'été pour déstocker l'hiver,
04:07là, il faudra des moins de stockage beaucoup plus importants.
04:10Et l'hydrogène, c'est beau.
04:11On part de l'eau, on revient à l'eau.
04:13Donc c'est quand même beau.
04:14Alors aujourd'hui, c'est très cher, mais c'est beau.
04:16Et moi, je crois vraiment qu'en termes d'ingénierie, quand une chose est belle et évidente,
04:22elle trouvera son chemin économique d'une manière ou d'une autre.
04:24Parce que si on regarde les chiffres sur le développement de la filière,
04:272024, capacité de production d'hydrogène par électrolyse en France, c'était 35 mégawatts.
04:33On est quand même...
04:34On est au tout début de l'aventure industrielle.
04:38Qu'est-ce qui manque ?
04:39Manque de visibilité, des réglementations plus claires, qu'est-ce qui vous manque ?
04:43Oui, c'est ça.
04:43Il faut effectivement une vision très long-termiste.
04:46Ce n'est pas évident à voir.
04:48Et puis, effectivement, il faut anticiper et initier des changements par l'usage.
04:53Donc, du transport lourd, les inciter à le faire.
04:57Le maritime, les inciter à le faire.
04:59Et après, il y aura un cercle vertueux qui va s'enchaîner.
05:01On a eu pareil il y a 15 ans quand on parlait du véhicule électrique.
05:04Est-ce qu'il faut d'abord mettre l'infrastructure ?
05:06Est-ce qu'il faut d'abord mettre le véhicule électrique ?
05:08Bon, à un moment donné, les pouvoirs publics ont dit « Stop ! »
05:10On va encourager à verdir les flottes de véhicules électriques.
05:15Et on va vous aider à installer des bornes de recharge.
05:17Mais est-ce que vous avez le sentiment que l'État français y croit toujours ?
05:19Actuellement, on est quand même dans un monde où les priorités ont pas mal changé, on va dire.
05:26Donc, qu'ils y croient sans doute, mais en termes de priorité, on s'est passé un petit peu en dessous de la pile.
05:32Donc, nous, on continue à y croire.
05:34On avait lancé notre première recharge de véhicules électriques 100% solaires en Corse il y a 15 ans.
05:38À cette époque-là, il y avait 20 voitures électriques.
05:40Les gens nous disaient « Mais pourquoi vous faites ça ? Pourquoi vous faites une recharge ? Et pourquoi électrique ? Pourquoi 100% solaire ? »
05:45Là, aujourd'hui, on est en train de développer un électrolyseur pour fabriquer de l'hydrogène 100% vert.
05:50On a déjà un bateau qui est prêt à nous prendre notre hydrogène.
05:54C'est un navire qui a été fait pour le lycée maritime de Bastia.
05:57Donc, c'est concret, il fonctionne.
05:58Un bateau école qui s'appelle Alba.
05:59Exactement, Alba.
06:00Un bateau Corse pour le lycée maritime Corse.
06:03Donc, quand même intéressant, 100% hydrogène.
06:04Donc, en fait, c'est déjà là.
06:06L'économique, j'en parle pas.
06:07Effectivement, on est vraiment dans une opération pilote pour montrer que oui, on peut, à l'échelle d'un territoire, faire une hydrogène 100% verte.
06:14On part de l'eau, on revient à l'eau et on fait fonctionner un bateau qui ne rejettera aucun CO2 dans nos serres.
06:19Et alors, comment il est ravitaillé ? Ça marche comment ?
06:22Des bonbonnes.
06:23C'est des bonbonnes ?
06:24Vous pouvez imaginer des grosses bonbonnes.
06:25Et puis après, effectivement, il y a tout un système pour réinjecter, un peu comme une station essence, un grand tuyau.
06:30Donc, ça demande pas mal de contrôle, pas mal de sécurité.
06:34D'ailleurs, une des raisons pour lesquelles on fait cette opération pilote, c'est nous aussi pour apprendre à exploiter un site industriel avec ses risques,
06:43apprendre le monde de la distribution d'hydrogène.
06:47Donc, nous, on aime bien commencer comme ça.
06:48On fait une opération pilote, on est ingénieur, on apprend, on se plante un petit peu à petite échelle.
06:53Et puis après, on veut se déployer à l'échelle du mégawatt.
06:55Est-ce qu'il serait particulièrement adapté l'hydrogène aux économies insulaires ou pas ?
07:03Alors, oui.
07:05En fait, il faut savoir que les économies insulaires, en termes énergétiques, fonctionnent quasiment que par de l'import.
07:11Alors, il y a les énergies renouvelables, là au moins, on les a localement.
07:14Mais quand il faut un petit peu plus, le fuel, il est nécessairement importé.
07:18Et donc, trouver une source d'énergie de production locale qui évite les imports, c'est mieux pour tout le monde.
07:23Ça, c'est évident.
07:24Donc, dans quasiment toutes nos îles, il y a des bateaux.
07:27Les bateaux, ils peuvent très bien fonctionner à l'hydrogène.
07:29Donc là, c'est le modèle qu'on essaie de démontrer.
07:31On essaie de démontrer que ça marche.
07:32Merci beaucoup, Mickaël Cousillère.
07:34Et à bientôt sur Bismarck.
07:36On passe tout de suite à notre nouveau rendez-vous transition urbaine.
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