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Carl von Linné,
Linnaeus,
est un naturaliste suédois, né en 1707 à Rashult (Smaland), mort en
1778, était fils d'un pauvre pasteur de campagne et était en apprentissage
chez un cordonnier, lorsqu'un médecin, ami de sa famille, reconnut ses
dispositions et lui fournit les moyens d'étudier. Placé en 1730 à Upsala
auprès d'Olaüs Rudbeck, professeur de botanique,
il conçut dès lors la première idée de son système de classification.
Il fut chargé en 1732 par la
Société royale
d'Upsala de voyager en Laponie pour décrire les plantes de ce pays;
puis, ayant éprouvé quelques dégoûts que lui suscitait la jalousie,
il alla en Hollande, étudia la médecine à Leyde sous Boërhaave, qui
sut l'apprécier, et passa 3 ans près de G. Cliffort, riche amateur, qui
lui confia le soin de son cabinet et de ses jardins : c'est lĂ qu'il publia
ses premiers ouvrages (1735-38).
Linné visita ensuite l'Angleterre, la
France; connut Ă Paris Bernard de Jussieu, avec
lequel il se lia étroitement; fut à son retour nommé médecin du roi
de Suède, et enfin professeur de botanique à l'Université d'Upsala (1741).
Il occupa cette chaire pendant 37 ans. Linné donna à la botanique une
classification méthodique, qu'il fonda sur les organes sexuels des plantes;
créa pour cette science une langue commode, régulière, uniforme, adaptée
aux nouvelles observations qu'il avait faites, et définit chaque genre
et chaque espèce par des phrases d'une brièveté et d'une précision
admirables.
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Karl
Linné (1707-1778).
Tableau
d'Alexander Roslin.
Linné étendit sa réforme à la minéralogie
et la zoologie, mais avec moins de bonheur. Malgré ses mérites, la classification
de Linné a, comme il le reconnaissait lui-même, le défaut d'être artificielle
et de rompre souvent les vrais rapports naturels des ĂŞtres : Elle rencontra
de puissants adversaires, entre autres, Buffon,
Adanson,
Haller,
et finit par céder le pas à la "méthode naturelle" de Jussieu. Depuis
d'autres types de classifications sont apparues, celles notamment qui reposent
sur des principes phylogénétiques.
Les principaux ouvrages de Linné sont
: Systema naturæ, 1735, où il pose les bases d'une distribution
méthodique des trois règnes; Fundamenta botanica, 1736, où il
donne les règles à suivre pour reconstituer la botanique : Bibliotheca
botanica, 1736, où il énumère les ouvrages publiés sur cette science;
Genera
plantarum, 1737, et Classes plantarum, 1738, oĂą il distribue
les plantes d'après leur fructification; Philosophia botanica,
1751, où il coordonne tous ses travaux précédents. Chacun de ces ouvrages
a obtenu du vivant même de l'auteur plusieurs éditions, qui toutes présentent
des perfectionnement considérables. (A19). |
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Elisabeth
Christina von Linné est une botaniste
née le 14 juin 1743 en Suède et morte le 15 avril 1782. Fille du
précédent, elle grandit dans une atmosphère intellectuelle intense où
la classification des êtres vivants, les expéditions botaniques et l’ordre
du monde végétal occupent les conversations familiales. Dès l’adolescence,
elle manifeste un sens aigu de l’observation, une curiosité soutenue
pour les phénomènes naturels et une précision rare dans la description
des plantes. Elle ne se contente pas d’être spectatrice des travaux
paternels, elle en devient une collaboratrice active.
Elle s’illustre
particulièrement dans la description du phénomène de phosphorescence
végétale, qu’elle observe sur les fleurs de Tropaeolum majus, phénomène
qu’elle décrit dans une note publiée par son père dans l'ouvrage Amoenitates
Academicae (1762). Elle y note que les fleurs semblent émettre une
lueur dans l’obscurité, un phénomène qu’elle attribue à une forme
de respiration végétale ou à une réaction à l’humidité nocturne.
Ce témoignage, à une époque où les observations féminines sont rarement
créditées, suscite la curiosité de plusieurs botanistes, et influence
notamment Erasmus Darwin, grand-père de
Charles
Darwin, qui cite cette « demoiselle Linné » comme autorité dans
son Botanic Garden (1791). Darwin écrit :
« Une dame
suédoise d’un rare talent décrit une lumière douce émanant des pétales
à la tombée de la nuit, preuve que la science n’est pas affaire de
sexe, mais d’attention. »
La singularité d’Elisabeth
Christina ne tient pas uniquement Ă la transmission familiale, mais Ă
la précision de ses descriptions et à sa capacité d’interprétation
physiologique, en un temps oĂą la botanique fĂ©minine Ă©tait rĂ©duite Ă
l’illustration ou à l’herborisation domestique. Elle exprime, dans
sa correspondance, l’idée que la science d’observation est « un art
d’écoute silencieuse, une manière de laisser les plantes raconter leurs
propres lois. » Si son nom reste parfois effacé derrière l’autorité
paternelle, plusieurs études contemporaines la réhabilitent comme pionnière
de la physiologie végétale expérimentale, notamment dans les domaines
de la sensibilité lumineuse des plantes et des interactions lumière-humidité.
Elle n’écrira
jamais d’ouvrage personnel, mais sa trace dans les documents scientifiques
de son père et dans les correspondances croisées avec d’autres naturalistes
permet de mesurer son influence silencieuse. Son cas interroge les frontières
de l’auteur scientifique à une époque où les femmes savantes sont
tolérées dans l’espace privé, mais rarement nommées dans la sphère
publique. Elle incarne une figure méconnue mais essentielle de la circulation
du savoir entre science académique et pratique familiale, entre observation
féminine et validation masculine.
Elle meurt jeune,
sans avoir pu développer l’oeuvre scientifique qui semblait s’annoncer.
Pourtant, son exemple résonne encore aujourd’hui comme un rappel : l’histoire
des sciences est aussi une histoire des voix tues ou anonymes, dont les
contributions dessinent en creux une autre cartographie du savoir. |