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Un drapeau
(vieux français drappel, diminutif de drap) est une pièce
d'étoffe attachée
au bout d'une sorte de lance, de
manière qu'elle puisse se déployer et flotter,
et qui sert à donner un signal, à indiquer
un point de ralliement, à distinguer une nation, à parti ou à servir
d'enseigne à une armée. Dans la marine on utilise le mot pavillon.
Chez les Egyptiens,
chaque bataillon avait un emblème distinct représentant quelque objet
sacré. Les Grecs portaient
divers symboles : quelquefois l'emblème d'une divinité, d'autres fois
une lettre initiale. Les étendards
' romains changèrent suivant
les temps; ils furent carrés, puis allongés, puis terminés en pointe.
Presque tous les drapeaux modernes sont rectangulaires; le drapeau
du Népal possède deux pointes.
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Drapeaux
de pays sur l'un des immeubles des Nations Unies, Ã Vienne.
Source
: The World Factbook.
Les premiers drapeaux.
Le mot drapeau ne paraît pas avoir été
employé avant la fin du XVIe siècle,
et jusqu'au XVIIIe les drapeaux des compagnies
gardèrent généralement le nom d'enseignes,
le mot étendard désignant ceux de la cavalerie.
Lors des premières tentatives d'organisation
régimentaire, on réunit sous un même drapeau, insigne du commandement
des colonels, les diverses compagnies ou enseignes qui formaient le régiment.
Jusqu'alors les masses d'infanterie formant ce que l'on appelait les bandes
avaient marché sous diverses bannières dont la régularisation relative
n'apparut qu'à la fin du XVe siècle.
Antérieurement, le drapeau national le mieux caractérisé parait avoir
été une pièce d'étoffe de couleur variable sur laquelle était rapportée
la croix rouge des croisades, qui était la croix de Pierre l'Ermite (pour
les origines, V. Bannière et Oriflamme,
Gonfanon). Longtemps la France
garda la croix rouge sur ses bannières, tandis que l'Angleterre
portait une croix blanche, la Bretagne une
croix noire, Flandre et Lorraine
une croix verte, Italie et Suède
une croix jaune, Bourgogne la croix rouge
de Saint-André. Mais aux temps difficiles de la guerre
de Cent ans et des luttes terribles entre les Armagnacs représentant
le parti national (croix blanche) et les Bourguignons alliés des Anglais
(croix rouge et croix rouge de Saint-André), le drapeau des Anglais victorieux
finit par réunir, en 1422, sous Henri
VI, sur son champ les croix blanche et rouge de France et d'Angleterre,
les croix de Saint-André, blanche et rouge de Guyenne
et de Bourgogne.
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Quelques
drapeaux anciens (vers 1900).
Le drapeau en
France.
Charles VII
avait son drapeau de France ancien, c.-à -d. d'azur fleurdelisé d'or,
et sur l'antique bannière des ducs de France il ajouta la croix blanche
des Armagnacs, champions de l'indépendance
nationale. Ce drapeau « connu d'abord sous le nom de pennon royal, puis
sous celui de grand étendard royal, devint plus tard l'enseigne principale
de la milice des francs-archers, et enfin le drapeau particulier du premier
régiment de France, du régiment des gardes françaises » (général
Susane). La croix blanche a subsisté sur les drapeaux de l'infanterie
française jusqu'en 1789; elle en partageait ordinairement le champ ou
tableau en quatre quartiers. Pour les drapeaux au XVIe
siècle, V. Enseigne.
Le
drapeau blanc.
Dès le XVIe
siècle, le drapeau blanc était l'insigne de la dignité du colonel; l'arborer
était faire preuve d'une indépendance militaire relative. Les enseignes
étaient alors et furent depuis les drapeaux des groupes subordonnés Ã
l'enseigne colonelle ou drapeau du colonel. Porter drapeau blanc ne pouvait
se faire que par permission du roi, ce qui n'empêcha nullement les réformés
de le faire pendant les troubles. Chaque seigneur qui put lever des troupes
en assez grand nombre ne manqua pas de faire
porter le drapeau blanc, et, dans les
circonstances assez rares où catholiques et réformés eurent à combattre
côte à côte, notamment sous Henri III, cette
prétention de porter le drapeau blanc sans commission régulière donna
lieu à de fréquents troubles entre les colonels nommés par le roi et
les colonels réformés qui entendaient garder le titre qu'ils s'étaient
arrogé ou le droit de porter drapeau blanc. Ces querelles ont été racontées
par Brantôme. Au reste, les réformés usaient
d'enseignes pleines, c. -Ã -d. de drapeaux tout blancs, mais sur lesquels
étaient brodées les armes, couleurs et devises des chefs.
Le colonel général de l'infanterie avait
alors le droit d'avoir, dans chaque bande ou régiment, une compagnie dite
colonelle, qui portait une enseigne blanche; de là s'étendit l'usage
de donner le drapeau blanc à tout régiment d'infanterie qui, à titre
de récompense ou autre, était admis dans l'armée permanente. Dans chaque
formation régimentaire il existait, sans tenir compte des drapeaux des
compagnies ou enseignes, deux drapeaux : celui de la bande ou régiment,
celui du colonel.
Sous Louis XIII,
le colonel général ne voulant avoir de compagnie colonelle que dans les
régiments anciens, la possession du drapeau blanc devint un signe d'ancienneté,
un honneur pour le corps qui le possédait, et on a vu que cet honneur
était souvent conféré à titre de récompense.
« C'est
ainsi que le mot drapeau blanc est devenu et est resté, pendant quelque
temps, le synonyme de régiment entretenu et payé par l'ordinaire des
guerres. » (Susane).
Peu à peu tous les régiments possédèrent
le drapeau blanc; en 1638, aucun n'en était dépourvu. Le drapeau blanc
apparaît dès lors comme un drapeau général, drapeau d'état major qui
ne fut jamais celui de la royauté ni de la France. C'est à cette date
de 1638 que le drapeau blanc semble apparaître comme signe de parlementaire.
Les drapeaux des régiments étaient de diverses couleurs, de même pour
les enseignes. En 1776, il n'y eut plus qu'un seul drapeau par régiment.
Le drapeau blanc, dès Louis
XIV, était devenu le drapeau du roi, colonel général des troupes.
Chargé de l'écusson de France, il servait d'enseigne à la maison du
roi; les gardes le portaient à la garde de service chez le roi ou le dauphin.
Croix,
fleurs de lis et confusion.
Les drapeaux des anciennes grandes bandes
de Picardie étaient rouges avec la croix
blanche, ceux des grandes bandes de Piémont
noires avec la croix blanche. Le régiment de Champagne
avait son drapeau vert à croix blanche, Navarre
couleur feuille morte avec croix blanche semée de fleurs de lis d'or,
etc. En somme, au XVIIIe siècle, les drapeaux
d'ordonnance étaient les mêmes pour un même régiment, mais il n'y en
avait pas deux de semblables, car, sans compter les régiments français,
il y avait nombre de régiments étrangers ou appartenant en propre soit
au roi, soit à quelque prince, et qui portaient sur leurs drapeaux les
couleurs, les emblèmes de ces princes ou du pays d'origine. Un seul caractère
commun donnait quelque air de famille à tous ces drapeaux de couleurs,
si dissemblables, c'était la croix blanche qui en divisait le champ en
quatre quartiers. Encore tous ne la possédaient-ils pas. Ainsi Bourgogne
et Royal-Comtois, créés par Louis XIV, portaient sur leurs drapeaux la
croix rouge de Bourgogne, et beaucoup de régiments étrangers ne portaient
point la croix. La croix existait sur le drapeau colonel chargé d'ornements,
d'emblèmes, d'armoiries peintes et brodées, comme les autres.
Le drapeau blanc des gardes françaises
avait ses quartiers chargés de fleurs de lis d'or, chaque branche de la
croix portant en outre une couronne d'or. Si l'on ajoute à cela que nombre
de régiments étrangers portaient aussi les drapeaux de leur pays en restant
au service de la France, que nombre de corps des armées étrangères avaient
des drapeaux semblables aux français, voire blancs (Espagne,
Hollande, Naples,
régiments suisses à leur service), on comprendra qu'il était impossible
de reconnaître, en campagne, un corps à la nature de ses enseignes.
Jusqu'à a Révolution,
les drapeaux français gardèrent cette variété. Faits d'une ou plusieurs
pièces de taffetas suivant les couleurs du tableau, chargés d'inscriptions
ou d'armoiries brodées ou formées de feuilles d'or appliquées au vernis,
leur hampe était de bois peint aux couleurs du régiment, terminée par
un fer de pique. Ils ne portaient pas de franges, au contraire de ceux
de la cavalerie ( Etendard),
et étaient munis de cravates ordinairement blanches, parfois rouges (Piémont),
accompagnées de cordons à glands dont les couleurs variables rappelaient
celles des drapeaux des régiments. Ainsi : cramoisi et blanc, Bourgogne;
rouge et aurore, Royal-Vaisseaux; violet et feuille morte, Royal; orange
et bleu, Nassau; vert et blanc, Auxerrois, etc. Les drapeaux étaient portés
par un officier dont le grade équivalait à celui d'enseigne, et le mot
même était synonyme de la charge. Ainsi l'un disait : le roi a donné
un drapeau à ce vaillant soldat (Richelet), pour dire la charge de porte-drapeau.
Dans l'ordre du défilé, les drapeaux
étaient portés à la tête de la division du centre. La confusion était
extrême dans les drapeaux des régiments et des compagnies à la fin du
XVIIIe siècle. (Maurice
Maindron).
Le
drapeau tricolore.
Le 27 pluviôse an II, l'Assemblée nationale
rendit un décret instituant un drapeau national en France; en voici les
termes :
« Le pavillon,
ainsi que le drapeau national, sera formé des trois couleurs nationales
disposées en trois bandes égales, de manière que le bleu soit attaché
à la garde du pavillon, le blanc au milieu et le rouge flottant. »
Les gardes nationales des provinces arborèrent
aussi le drapeau tricolore, mais elles ne furent pas d'accord sur les dispositions
des couleurs : on vit simultanément des drapeaux bleu, blanc, et rouge,
puis d'autres rouge, bleu et blanc et enfin blanc, bleu et rouge. Quelques
bataillons adoptèrent le rouge et le bleu en bandes horizontales. Une
loi spéciale de 1792 ordonna que tous les anciens, drapeaux seraient détruits
pour être remplacés par des insignes aux trois couleurs; et aux cravates
blanches qui ornaient la hampe on substitua des cravates aux trois couleurs.
Le drapeau doit avoir cinq pieds six pouces de long (1,75 m) sur une largeur
égale. La hampe était surmontée sous la première République d'un fer
de six pouces de long, terminé en pointe de hallebarde.
Sous l'Empire, le fer fut remplacé par
une aigle héraldique. Le drapeau tricolore fit
place au drapeau blanc surmonté d'une fleur de lis, lors de la rentrée
de Louis XVIII. En 1830, le drapeau tricolore reparut avec un coq à la
place de l'aigle. Sous la République de 1848, le fer pointu revint au
sommet de la hampe; sous le second Empire il céda la place à l'aigle,
et par la suite le drapeau républicain a été surmonté d'un fer de lance;
sur le socle les lettres : R. F. L'étoffe du drapeau est la soie.
Sous la République, on y inscrivait successivement
le nom des batailles fameuses où il avait figuré de l'autre cette légende
: Discipline et obéissance à la loi. Sous le premier Empire, ces
inscriptions furent modifiées comme suit : l'Empereur au [...]
régiment, avec le nom des combats mémorables de l'autre côté.
Sous la Restauration, le drapeau fut chargé des armes royales; cet écu
disparut à la révolution de 1830, et en 1831 il fut remplacé par la
devise : Liberté, Ordre public. En 1848, on inscrivit sur la zone
blanche : Liberté, Égalité, Fraternité, et au-dessous : Unité.
Le second Empire substitua à ces mots l'inscription Honneur et Patrie.
A partir de 1870, au drapeau national cette inscription est surmontée
des mots République française. Suivant un décret du 14 juin 1859,
un drapeau peut être décoré de la Légion d'honneur; la croix est attachée
au haut de la hampe.
Drapeaux des districts
de Paris.
Lorsque Paris
fût, en 1789, divisé en seize quartiers et chaque quartier en quatre
districts, des drapeaux furent distribués à la garde nationale des districts;
voici quels furent ces principaux drapeaux :
• Bataillon de Saint-Jacques
l'Hôpital. Drapeau blanc; au centre une colonne sur un socle, portant
cette inscription : Lois et Constitution, cette colonne, formée
par un assemblage de piques liées et d'où est issante une hache de licteur
surmontée de douze étoiles en couronne, repose sur un tertre sur lequel,
à gauche, est assis le génie de la Liberté tenant un bonnet phrygien
et à droite un canon. Quatre drapeaux écartelés bleu et rouge accompagnent
la colonne à laquelle est attaché un bouclier avec le coq gaulois surmonté
d'un chapeau de général. Sur le tertre cette devise : Il repose sous
leur ombre.
• Bataillon de Bonne-Nouvelle.
Drapeau bleu, blanc et rouge, formé par une croix blanche dont chaque
canton est bleu et rouge et rouge et bleu. Au centre de la croix un faisceau
de piques avec hache de licteur, auquel est attaché par une écharpe blanche
un bouclier sur lequel est écrit : Union, Force, liberté; au-dessus
du faisceau un soleil rayonnant sur lequel sept étoiles bleues.
• Bataillon de la Jussienne. Croix
blanche, avec un canton rouge et un bleu en haut, ceux inférieurs bleu
et rouge; an centre, le vaisseau de la Ville portant au grand mât un bonnet
phrygien, ledit vaisseau accompagné de trois couronnes de laurier, une
au-dessus, une à gauche, une en bas, et des mots : la Jussienne
en tête, Courageux à gauche, Prudent à droite et Libre
en bas. Le drapeau porte à chaque angle la fleur de lis.
• Bataillon de Saint-Lazare. Croix
blanche cantonnée au 1 et au 4 rouge, aux 2 et 3 bleu; au centre de la
croix et la couvrant presque, un soleil d'or au milieu duquel est un génie
portant de la main droite un bonnet phrygien bleu; il est entouré d'une
couronne de chêne surmontée de la couronne royale et des mots : Sans
lois point de liberté. Drapeau portant à chaque angle la fleur de
lis.
• Bataillon des Jacobins. Une
grande croix blanche cantonnée aux 1 et 4 bleu, aux 2 et 3 rouge. Au centre,
les armes royales en forme de sphère, posées sur une nuée et surmontées
de la couronne royale en sautoir en place de sceptre, le bonnet phrygien
sur une pique, et la main de justice; au-dessus une banderole avec ces
mots Novo faedere juncti. Sur chaque canton de la croix une banderole
avec ces mots sur le premier : la Nation; sur le deuxième
: le Roi; sur le troisième : la Liberté; sur le quatrième
: la Loi.
• Bataillon de Popincourt. Grande
croix blanche cantonnée aux 1 et 4 bleu, aux 2 et 3 rouge. Au centre de
la croix, les armes royales timbrées de la couronne et entourées par
deux branches de laurier. Au-dessus ces mots : Bataillon de Popincourt;
au-dessous : Un roi juste fait le bonheur
de tous, 1789.
• Bataillon de Sainte-Marguerite.
Faubourg Saint-Antoine. Croix blanche cantonnée de bleu et de rouge.
• Bataillon de Saint-Joseph. Blanc;
au centre, les armes de la Ville entourées d'une branche de chêne et
d'une branche de laurier entrelacées; au-dessus : la Loi et la Liberté.
• Bataillon du Petit-Saint-Antoine.
Croix blanche, cantonnée rouge et bleu, le rouge chargé d'un faisceau
de piques avec hache de licteur, couronné de chêne, le bleu chargé du
vaisseau de la Ville de Paris; en croix, sur le blanc, les mots : Liberté,
Patrie, Loi, Roi.
• Bataillon de Saint-Gervais.
Blanc; au centre, une sorte de paysage représentant au premier plan une
colonne représentant le buste du roi Louis XVI,
une femme personnifiant la Liberté, le pied sur un serpent et tenant d'une
main le bonnet phrygien au bout d'un bâton, étend de l'autre une couronne
de laurier au-dessus de la tête de Louis XVI; à gauche de la colonne,
un tronc d'arbre; à terre, une tête d'homme coupée, des fragments de
chaîne; au fond, du feuillage, et au-dessous du tout sur une banderole
: la Liberté la lui donne; le drapeau est encadré par une bordure de
feuilles de laurier disposées en couronnes ovales.
• Bataillon des Blancs-Manteaux.
Tricolore, le rouge du côté de la hampe porte un M, le bleu semé de
fleur de lis porte un B et le milieu blanc porte en bas le vaisseau de
la Ville de Paris et en haut une couronne de lauriers rayonnante d'or ;
sur le haut des rayons, une banderole avec ces mots : Libres sous un
roi citoyen.
• Bataillons des Enfants-Trouvés.
Croix blanche cantonnée rouge et bleu.
• Bataillon de Saint-Louis-en-l'Ile.
Rouge, blanc et bleu; au centre, un carré
blanc avec une bêche, une épée, une
crosse; au-dessus, le bonnet phrygien; au-dessous, une banderole bleue
avec ces mots en lettres d'or : Vis unita major nunc et semper (la
force unie sera, maintenant comme toujours, la plus forte), deux angles
rouges, deux angles bleus avec croix grecque argentée; au-dessous : Donné
par les citoyennes du district de Saint-Louis-en-l'Ile.
• Bataillon de Saint-Magloire.
Blanc, au centre une S et une M entrelacées avec des branches de chêne
et de laurier; au-dessous, passés en sautoir, un fusil et une épée liés
par une faveur rouge; au-dessus, sur une banderole, la Liberté fait
notre gloire; au-dessous, sur une autre banderole, l'indication du
bataillon.
Tous les autres drapeaux de district étaient
des variantes de ceux ci-dessus décrits, et chaque quartier s'ingéniait
à combiner les détails des siens. (H. Gourdon de Genouillac). |
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