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Vol 1. N°1, juillet 2018
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Introduction
Le concept de l’économie verte recèle un potentiel de croissance durable et de création
d’emplois beaucoup plus important que le modèle conventionnel. Les Etats engagés dans ce
nouveau modèle ont mis en place une stratégie nationale cohérente et intégrée à tous les
secteurs économiques et sociaux. Selon certaines études, les investissements en énergies
propres sont estimés mondialement à 343 milliards en 2020 et 630 milliards en 2030, qui
permettraient la création de 20 millions d’emplois dans ce secteur. En 2012, 2,3 millions de
personnes ont déjà trouvé des emplois dans le seul secteur des énergies renouvelables. Le
marché des marchandises liées à l’environnement devrait passer de 1370 milliards de dollars
par an à 2740 milliards de dollars, en 2020, soit un taux de croissance annuel moyen de 7%.
Selon le rapport de l’Institut Royal des Etudes Stratégiques (IRES, 2012) : "Le Maroc
gagnerait à se positionner sur le marché des biens et services de l’environnement axé sur des
activités de production de marchandises à haute valeur ajoutée."
C’est ainsi que, le Maroc a adopté dans sa stratégie de développement le concept de
développement durable qui favorise l'équilibre entre les dimensions environnementales,
économiques et sociales, avec pour objectifs l'amélioration du cadre de vie des citoyens, le
renforcement de la gestion durable des ressources naturelles et la promotion des activités
économiques respectueuses de l'environnement. Des réformes institutionnelles,
règlementaires et financières et des politiques incitatives sont déjà mises en œuvre par le
Maroc pour améliorer l’intégration de la dimension environnementale et promouvoir le
développement de filières stratégiques telles que les énergies renouvelables, l’efficacité
énergétique, l’économie de l’eau, la gestion durable des déchets solides et liquides,
l’agriculture inclusive, l’aquaculture ou encore l’écotourisme. C’est ainsi que la préservation
de la durabilité environnementale et le maintien d’un régime de croissance créateur de
richesses et d’emplois passe inéluctablement par le recours à l’économie verte. Ce papier est
une contribution qui essaie de montrer le processus de transition de l’économie marocaine
vers une économie verte dans le contexte du développement durable. Il s’agit de répondre à
deux questions :
- Quelles politiques et stratégie adoptées par le Maroc pour favoriser une transition vers
une économie verte dans un contexte de développement durable?
- Quelles mesures et actions à mettre en évidence de plus en plus par le Maroc dans ce
contexte?
Pour qualifier les relations entre économie et environnement et avant de répondre à ces
questions, nous essayons de clarifier, délimiter et de définir les concepts de l’économie verte,
de la croissance verte et du développement durable.
1. Economie verte : de quoi parle-t-on ?
L’économie verte correspond à un mode de développement économique orienté vers la
viabilité écologique, la rentabilité économique et l’inclusion sociale. Elle promeut donc un
développement qui soutient une amélioration du bien-être et une égalité sociale ; visant
parallèlement la réduction significative des risques pour l’environnement et la prévention de
l’appauvrissement écologique.
Le terme d’économie verte renvoie à la généralisation du concept de développement durable
ou soutenable et conduit à ce que la majorité des agents économiques considèrent le respect
de l’environnement comme incontournable. C’est une contrainte liée à la pérennité de
l’économie à long terme, puisque les dégradations liées à l’activité économique d’aujourd’hui
peuvent menacer le bien-être et l’activité de demain. Selon le PNUE (2011) : "une économie
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D’un pont de vue théorique, les études considèrent l’environnement comme un ensemble de
ressources naturelles, un « capital environnemental » qui, comme d’autres formes de capital
(humain, matériel, technologique), constitue un facteur contribuant à la production de
richesses, à la croissance économique, et au bien-être des agents économiques. Il possède des
caractéristiques économiques particulières. Certaines ressources naturelles sont disponibles en
quantités finies et ne sont pas renouvelables (charbon ou pétrole); d’autres ressources sont des
biens publics et peuvent être affectées par des « effets externes » : par exemple, la qualité de
l’air et de l’eau dépend de l’activité économique, de la pollution engendrée par l’activité
humaine et des modalités de stockage des déchets, sans que ces impacts soient parfaitement
pris en compte par les acteurs économiques.
L’OCDE (2012) retient qu’une politique de croissance verte consiste à favoriser la croissance
économique et le développement tout en veillant à ce que les actifs naturels continuent de
fournir les ressources et les services environnementaux sur lesquels repose notre bien-être.
Pour ce faire, elle doit catalyser l’investissement et l’innovation qui étaieront une croissance
durable et créeront de nouvelles opportunités économiques.
La « croissance verte » qui s’appuie sur l’environnement et l’économie est un volet d’une
notion plus générale, le développement durable.
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L’agriculture, qui utilise plus de 80% des ressources en eau mobilisées du pays, serait le
secteur de production le plus affecté du fait de son poids dans l’économie nationale et de son
importance sociale, des retards qu’elle accuse dans l’adoption de technologies appropriées et
du manque ou de la faible disponibilité d'instruments de gestion des risques inhérents au
climat dont elle dispose.
Le tourisme est aussi un des secteurs moteurs du développement économique et social du
pays. Il présente, cependant, des caractéristiques de fragilité et de grande sensibilité, aussi
bien aux événements économiques, sociaux et politiques, qu'au changement climatique et aux
catastrophes naturelles. Par sa nature de consommation des espaces, des paysages et des
ressources naturelles, le secteur touristique s'avère très fragile, au regard du changement
climatique qui présage un avenir incertain.
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Le retard accumulé par le Maroc en matière de gestion des déchets solides et liquides a généré
des problèmes de salubrité publique, avec d’importants risques sanitaires. La présence de
dépotoirs à l’intérieur des zones urbaines et périurbaines empêche le développement des
activités économiques et touristiques, tandis que la multiplication des décharges sauvages
autour des villes contribue à la pollution des nappes d’eau souterraine et les cours d’eau
mitoyens. En raison du déficit de traitement des déchets, la mer reçoit actuellement près de
98% de rejets liquides industriels et 52% de rejets domestiques.
On se référant aux informations du Département de l’Environnement (2012), nous résumons
dans le tableau les principaux problèmes environnementaux du Maroc :
Tableau n°2. Principaux Problèmes environnementaux
- Urbanisme : 60% de la population
Littorales et - Tourisme : 90% des infrastructures touristiques
Domaine maritime - Pollution industrielle : 80% des unités
- Extraction illicite du sable
- Erosion : 4000 t/Km2
- Pollution de l’air :
Source fixe : pollution industrielle (7900
Aire unités)
Pollution par les moyens (parc auto ; 2500
mille véhicules, 70% des véhicules > 10 ans
avec 55% de la pollution)
- Désertification : 92%
- Glissement de terrain
Sol - Salinisation
- Perte de soles arables
- Sécheresse
- Usage irrationnel des pesticides et engrais
- Pollution des eaux et surface : 40% qualité mauvaise
Ressource en eau - Surexploitation des eaux souterrains : 2020 < 500
m3/hab./an (stress hydrique)
- Dégradation de la qualité environnement des lacs
naturels
- Surexploitation des ressources halieutique : flotte =
2522 bateaux
Biodiversité - Invasion d’espèces étrangères
- Extinction des espèces de faunes et de flores :
Flore : 25000 espèces 11% endémiques
Faune : 7000 espèces, 25% endémiques
- Surpâturage
Forêt - Surexploitation
- Incendies
- Défrichement
- Urbanisation
- Sécheresse : 40 000 ha perdus par an
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agriculture afin d’assurer non seulement la couverture de ses besoins alimentaires, mais aussi
de se positionner en tant qu’acteur mondial de la sécurité alimentaire, à travers le
développement de la production des fertilisants, en ciblant en particulier le continent Africain,
qui représente le plus potentiel nourricier de la planète. Par le biais des technologies vertes et
de renforcement des capacités des agriculteurs, le Maroc serait en mesure de mobiliser les
marges importantes dont il dispose en termes d’amélioration de la productivité agricole.
Dans le domaine de l’énergie, l’articulation de la stratégie énergétique avec la stratégie
industrielle s’avère primordiale pour favoriser le développement de plateformes industrielles
et technologiques intégrées, répondant aux besoins d’équipement du pays et opérant sur la
base des principes de l’efficacité énergétique, de l’usage efficient des matières premières et de
la sauvegarde des milieux naturels. A ce titre, l’attraction des investissements étrangers doit
cibler en priorité ceux qui favorisent le transfert du savoir et du savoir-faire dans le domaine
des technologies propres et de la production d’équipements verts.
Le développement des nouvelles filières énergétiques suppose la formation de nouvelles
compétences professionnelles. Outre la mobilisation des compétences locales, le Maroc
devrait, aussi, mettre à contribution les compétences des Marocains du Monde.
Pour son déploiement, la stratégie nationale de l’économie verte nécessite des moyens
financiers conséquents. De ce fait, les sources de financements endogènes et exogènes
devraient être envisagées et intégrées. Dans ce cadre, une réforme fiscale et budgétaire
s’avèrerait nécessaire pour harmoniser les impératifs de durabilité environnementale,
d’inclusion sociale et de croissance économique.
Des politiques incitatives devraient être mises en œuvre, à travers un partenariat entre l’Etat,
d’une part, le secteur privé, les collectivités locales et les ONG, d’autre part. Etant donné que
certains secteurs pourraient connaitre une forte contraction, l’Etat devrait prévoir des mesures
compensatoires en faveur du secteur privé pour favoriser la transformation de l’économie et
promouvoir des investissements à faible consommation de ressources naturelles et d’énergie.
La mobilisation des fonds disponibles de la coopération internationale est incontournable.
Cela requiert, à l’évidence, un renforcement des capacités nationales en matière de
négociations sur les questions de financement des projets environnementaux et une
dynamisation de la présence du pays au sein des instances internationales du domaine
environnemental.
Parallèlement aux mesures de politiques publiques destinées à favoriser le développement
d'une économie verte, quelques actions d'accompagnement seraient nécessaires. Il s’agit, en
particulier :
- Améliorer l’efficacité du cadre réglementaire et institutionnel. C’est ainsi que
l’application effective des lois en matière de respect de l’environnement est essentielle
pour accélérer la transition du Maroc vers l’économie verte rapidement. Ce cadre
juridique devrait être revu dans son intégralité et simplifié en vue de faciliter son
application.
- Développer l’appropriation collective des enjeux liés à l’économie verte en
sensibilisant les populations aux opportunités de l’économie verte afin de se comporter
comme étant des citoyens responsables. L’adoption d’une approche participative et
partenariale est incontournable pour favoriser l’adhésion des populations aux projets
de développement économique et social à impact positif sur l’environnement, tout en
contribuant au renforcement de la bonne gouvernance à l’échelle des territoires.
- Exploiter les opportunités liées aux accords de libre échange conclus par le Maroc. Le
Royaume devrait mettre à contribution son réseau de partenariats économiques pour se
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positionner dès maintenant sur des marchés importants de l’économie verte à l’échelle
internationale. Il s’agit, notamment, des Etats-Unis, de l’Europe, de la Turquie et de
certains pays arabes. L’objectif escompté est de faire du Maroc un hub régional et
international, en matière de production et d’exportation de technologies vertes.
Conclusion
Le Maroc considère l’économie verte comme un enjeu prioritaire, clairement énoncé dans la
stratégie nationale de développement durable, qui contribue à la préservation de
l’environnement, la lutte contre le réchauffement climatique, la valorisation des ressources, la
création d’emplois, l’amélioration de la performance industrielle, et qui participe à l’équilibre
des territoires.
Les limites des modèles de croissance et de développement, suivis jusqu’à présent par le
Maroc, pour réduire les vulnérabilités sociale, économique et environnementale ainsi que pour
fournir d’autres voies d’accès au développement durable, montrent que l’adoption de l’option
de l’économie verte est primordiale. Sur la base des expériences internationales, il est évident
que la question n’est plus de savoir si une transition vers une économie verte est nécessaire,
mais plutôt de déterminer comment va-t-elle être exécutée.
Les enseignements tirés de la mise en œuvre des initiatives et des programmes sectoriels en
cours devraient alimenter la réflexion et le choix des options dans le cadre de l’élaboration
d’une stratégie globale structurante de l’économie verte.
Des efforts complémentaires sont attendus dans les domaines suivants : adaptation et
application de la règlementation, fiscalité environnementale, tarification des biens et services
environnementaux, mécanismes de financement durables et adaptés, mobilisation des
connaissances et de l’innovation et enfin le suivi-évaluation.
Bibliographie
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Férone G et al. "Ce que développement durable veut dire", Editions d’Organisation,
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Greffet P et al, "Définir et quantifier l’économie verte", Dossier : L’économie
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http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ref/ECOFRA12e_D3_eco_ver.pdf.
Institut Royal des Etudes Stratégiques, "La durabilité du modèle de développement
marocain l’option de l’économie verte", Rapport : Programme d’études "Compétitivité
globale et positionnement du Maroc dans le système mondialisé", Juillet, 2012.
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