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A l'époque moderne,
on a désigné sous le nom de libéral un parti politique qui s'efforce
de poursuivre le progrès par la liberté.
Dans la terminologie spéciale, le libéral s'oppose au conservateur qui
s'efforce de maintenir les institutions existantes. Ce dualisme
s'est d'abord manifesté d'une manière régulière en Angleterre ,
le premier pays européen qui ait eu un gouvernement d'opinion conforme
au système parlementaire.
Toutefois, ce n'est qu'Ã une date relativement
récente que les dénominations classiques de
whigs
et tories furent remplacées par celles de libéraux et conservateurs
empruntées à l'Espagne .
En France ,
celles-ci furent aussi employées lors de la Restauration, et l'épithète
de libéral fut d'abord appliquée ironiquement par les monarchistes
à ceux qui réclamaient sans cesse les libertés publiques. A la fin du
second Empire, l'opposition reprit aussi ce titre de libéral, sous lequel
on groupa républicains et orléanistes. Mais, en France et en Italie ,
on a préféré dans le vocabulaire politique les qualifications de gauche
et de droite. Celles-ci s'appliquent aussi dans la plupart des pays continentaux
où l'on n'a pu limiter la division à deux grands partis historiques alternant
au pouvoir, ce qui ne se produit guère qu'en Angleterre, en Espagne et
en Belgique .
Cependant le titre de libéral et celui de conservateur sont souvent adoptés
par l'une des fractions parlementaires; tels en Allemagne
les nationaux-libéraux, les conservateurs et les conservateurs libres.
D'autre part, le morcellement des partis avancés les a conduits à renchérir
sur l'épithète de libéral, et ils se qualifient souvent de progressistes,
démocrates, radicaux. D'une manière générale, les radicaux représentent
la nuance la plus avancée du parti libéral, se proposant de réformer
les institutions jusqu'Ã la racine.
La distinction classique des libéraux
et des conservateurs, qui a prévalu au milieu du XIXe
siècle dans les pays à gouvernement parlementaire, répond surtout Ã
la lutte contre le pouvoir personnel du souverain et à la situation où
l'Église ,
est associée au gouvernement, et les libéraux s'opposent aux légitimistes
ou absolutistes et aux cléricaux, lesquels forment le noyau des partis
conservateurs. Même en Angleterre, les libéraux sont recrutés principalement
parmi les adversaires de l'Église officielle; en Belgique, en France,
en Espagne, celle-ci fait la force des conservateurs. A la fin du XIXe
siècle, la lutte entre libéraux et conservateurs perd de son acuité;
d'une part, beaucoup des libertés réclamées par les premiers sont établies
et entrées dans les moeurs; d'autre part, à leur programme de libéralisme
politique, ils ont associé le libéralisme économique tel que l'affirmaient
les économistes. Il en est résulté, à cause de la diversité des intérêts,
une grande confusion. Ajoutez que dans les pays où les partis libéral
et conservateur alternent régulièrement au pouvoir (Angleterre, Espagne),
ils tendent de plus en plus à constituer deux coteries, différant moins
par leur programme adapté chaque fois aux circonstances et à la nécessité
de continuer les affaires engagées par les prédécesseurs que par la
composition de leurs états-majors et de leurs cadres.
Enfin la prépondérance que prennent les
questions sociales tend à substituer une division nouvelle à celle d'autrefois.
Le parti socialiste, d'abord confondu à l'aile gauche des libéraux avec
la fraction radicale, se constitue séparément, et contre lui se coalisent
avec les conservateurs une grosse partie des libéraux, en particulier
les économistes doctrinaires, de telle sorte que la qualification de libéral
devient souvent synonyme de réactionnaire. C'est le cas en France ou le
tiers parti libéral de 1870 répondait au centre droit et s'associa en
majorité aux monarchistes de l'Assemblée de 1871-75; c'est encore le
cas actuellement. En Belgique, les libéraux sont de même rejetés au
centre par les progrès du socialisme. En Allemagne, les nationaux-libéraux
furent les plus dociles serviteurs de Bismarck.
En Autriche, les libéraux allemands se coalisent avec les cléricaux contre
les aspirations particularistes de leurs adversaires des autres nationalités.
Enfin, dans d'autres pays, tels que la Serbie ,
par exemple, le sens des termes de libéraux, progressistes, radicaux,
répond à des groupements locaux qui n'ont plus de relation bien nette
avec leur sens primitif. En somme, cette qualification de libéralisme
n'a plus aujourd'hui qu'un sens assez vague et tend à s'effacer dans la
phase nouvelle de l'évolution politique et sociale des États européens.
(A.-M. B., 1900).
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Jean-Claude
Michéa, L'empire du moindre mal, essai sur la civilisation libérale,
Climats, 2007. - Si
Benjamin
Constant revenait parmi nous, reconnaîtrait-il son cher libéralisme?
Il règne en effet une grande confusion quant à l'usage de ce mot. On
distingue le plus souvent un «bon» libéralisme politique et culturel
d'un «mauvais» libéralisme économique, et la critique de ce dernier
se nuance selon qu'on a affaire à un «vrai» libéralisme, à un «néo-libéralisme»
ou à un «ultra-libéralisme». Michéa soutient, lui, que le mouvement
historique qui transforme les sociétés modernes - y compris dans leurs
fondements anthropologiques - ne peut-être pensé qu'à la condition d'y
voir l'aboutissement logique du projet philosophique libéral tel qu'il
s'est défini depuis le XVIIème siècle, et depuis la philosophie
des Lumières. Jean-Claude Michéa se livre ici à une remarquable
analyse du pessimisme fondateur du libéralisme, de sa critique de la «Tyrannie
du Bien» qui oblige à considérer la politique idéale comme un art purement
négatif - celui de définir, en somme, la moins mauvaise société possible.
Il nous offre ainsi un portrait de l'empire du moindre mal qui régit pour
le meilleur et pour le pire nos sociétés. Jean-Claude Michéa enseigne
la philosophie. Il est notamment l'auteur
de L'Enseignement de l'ignorance et de Impasse Adam
Smith. (couv).
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François
Huguenin, Résister au libéralisme : Les penseurs de la communauté,
CNRS , 2009. - Comment concevoir une critique non
marxiste du libéralisme? A l'heure de la crise financière et de l'essoufflement
du modèle capitaliste, cette interrogation cruciale nous concerne tous.
Elle mobilise, outre-Atlantique, une galaxie foisonnante de philosophes,
d'historiens, de théologiens : les "penseurs de la communauté", engagés
dans un débat qui bouscule nos certitudes françaises. Voici la première
grande synthèse sur ce courant d'idées. De l'éthique
des vertus proposée par Maclntyre au républicanisme de Skinner, en passant
par le mouvement "Radical Orthodoxy" et la nouvelle théologie de Cavanaugh,
cette redécouverte de la communauté propose une conception alternative
à la vision libérale de la modernité. Justice sociale, bien
commun, place de l'homme dans la Cité, formes innovantes de sociabilité
: ces penseurs renouvellent en profondeur notre conception du vivre-ensemble.
Ils nous invitent à retrouver le sens d'une communauté revivifiée aux
sources de l'éthique. Un ouvrage essentiel pour penser l'après-crise.
Un grand traité de philosophie politique. (couv.). |
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