Thanks to visit codestin.com
Credit goes to cosmovisions.com


.
-

Histoire de la géographie
[La Terre]
Aperçu
L'Antiquité
Le Moyen Age
Les Grandes découvertes
La géographie moderne
L'Antiquité.
Toutes les civilisations anciennes ont eu des préoccupations géographiques. On peut ainsi aller chercher les premières traces d'une géographie en Mésopotamie, en Égypte ou en Chine, mais il en reste peu de chose. 

Les Phéniciens et les Carthaginois.
Nous en savons à peine plus sur les découvertes des Phéniciens, peuple navigateur et trafiquant. Les Phéniciens explorèrent très tôt les côtes de la Méditerranée, passèrent le détroit de Gibraltar et visitèrent les rivages de l'Atlantique en Europe et en Afrique, jusqu'à la Grande-Bretagne et aux côtes de la Baltique au Nord, et jusqu'au tropique du Capricorne au Sud. Vers 600 av. J.-C., Néchao, roi d'Egypte, fit partir, de la mer Rouge pour l'océan Indien, une flotte dirigée par des Phéniciens. En trois ans, cette expédition fit probablement le tour de l'Afrique, atteignit le détroit de Gibraltar et retourna en Egypte par la Méditerranée. Les connaissances géographiques furent augmentées par les Carthaginois; mais la seule de leurs expéditions dont nous ayons un récit est celle de Hannon, vers le Ve siècle av. J.-C (Périple de Hannon, édition en ligne). Hannon, si l'on en croit le texte, suivi de 60 navires, fit voile de Gibraltar, suivit la côte d'Afrique jusqu'à la baie de Bénin ou, suivant les appréciations de quelques auteurs, jusqu'à la rivière de Nun seulement. 

Les Grecs.
Les renseignements que nous fournissent les Grecs sont plus nombreux. Les connaissances au temps d'Homère (vers le VIIIe s.), telles que nous les laissent entrevoir l'Iliade et l'Odyssée, se limitent au bassin méditerranéen, et encore sont-elles très imparfaites. Mais il y eut plust tard parmi les Grec des grands voyageurs, tels Pythéas, marin de Massilia (Marseille), qui vers 320 av. J.-C.,  visita la Bretagne (Grande-Bretagne) et découvrit une île qu'il appela Ultima Thule, et qui dans un second voyage, il visita la Baltique. Mais il y eut surtout les premiers véritables géographes. Hérodote, Aristote, Ératosthène, Hipparque, Eudoxe de Cyzique, savants, astronomes, voyageurs, nous fournissent enfin des données précises sur les contrées qu'ils ont visitées. L'expédition d'Alexandre le Grand, 330 ans av. J.-C., augmenta également considérablement les connaissances que I'on avait sur l'Inde

Le premier travail systématique sur la géographie scientifique fut entrepris par Eratosthène, qui vivait à Alexandrie dans la dernière partie du IIIe siècle av. J.-C. Son système (Les Geographica, d'Eratosthène) était basé sur la connaissance de la forme sphérique de la Terre; Eratosthène fut le fondateur de la géodésie. Le Bithynien Hipparque qui habita Rhodes et Alexandrie vers le milieu du IIe siècle av. J.-C., élargit encore le système d'Eratosthène et soumit la science géographique à des principes astronomiques, mais ses découvertes ne reçurent un développement pratique que longtemps plus tard.

Environ un siècle et demi après Hipparque, Strabon, Grec du Pont et explorateur célèbre, écrivit une géographie pleine d'intérêt et de vues qu'a confirmées en partie la science moderne. Ses Geographica offrent un tableau pittoresque de toutes les régions de la Terre sur lesquelles on avait recueilli de son temps des notions plus ou moins précises. Les contrées méditerranéennes étaient assez bien connues, mais on savait peu de choses des côtes atlantiques de l'Europe et l'on ignorait complètement ce qui concerne la Scandinavie, la Russie, le nord de l'Allemagne, la Sibérie, la Tartarie (Asie centrale), la Chine, le Japon et l'archipel Asiatique. 

Plus fameux encore fut Ptolémée, qui vivait à Alexandrie vers le milieu du IIe siècle après J.-C. et fut l'auteur d'une Géographie qui resta une référence pendant des siècles. A l'époque de Ptolémée, la notion d'un océan circumambiant avait été abandonnée, et celle d'une étendue indéfinie de Terra incognita était substituée comme limites supposées du monde. L'ouvrage de Ptolémée est un document en général exact pour ce qui concerne la partie déjà bien connue du monde, où l'on trouve un tracé précis du contour de la Grande-Bretagne, des côtes occidentales de la Gaule, de l'Espagne et du l'Afrique septentrionale. 

Les Romains.
Les conquêtes de Rome, comme cela avait été le cas pour celles d'Alexandre, contribuèrent à accroître encore les connaissances géographiques, si bien que la carte de l'empire romain est celle du monde connu au commencement de l'ère chrétienne. Pline nous a laissé en partie une Description de l'empire romain faite par ordre d'Auguste. Le principal géographe romain fut Pomponius Mela, qui écrivit vers le temps de l'empereur Claude. Il n'ajouta presque rien aux connaissances antérieures, mais proposa une synthèse de la géographie dans laquelle les Médiévaux puiseront abondamment. Dans son traité De situ orbis, il explique la division du monde en deux hémisphères : l'hémisphère septentrional, partie connue de la Terre; et l'hémisphère méridional, partie encore inconnue. L'Itinéraire d'Antonin, quant à lui, donne l'indication des lieux avec les routes et les distances. 

Lorsque l'on compare la géographie des Romains à celle des Grecs, on constate que s'opposent deux conceptions autour desquelles s'articulera toute la géographique appelée à se constituer ultérieurement. La première et la plus ancienne, qu'on pourrait appeler la conception grecque (Aristote, Hipparque, Eratosthène, etc.), consiste à poursuivre une connaissance vraiment philosophique du monde, à rechercher avant tout l'enchaînement des phénomènes, et comment ces phénomènes se subordonnent les uns aux autres. A cette conception vraiment scientifique de la géographie, que les Grecs (Hérodote excepté) ont poussée jusqu'à l'excès en allant jusqu'à faire de la géographie systématique, s'oppose la conception romaine, purement utilitaire et pratique; dominés par des intérêts de commerce, par des préoccupations administratives, par des ambitions de conquête, les Romains ont su faire des dictionnaires topographiques, établir des itinéraires précis (Vispianus Agrippa, Pline).

Le Moyen Âge.
A la charnière de l'Antiquité et du Moyen Age, on doit mentionner encore, parmi les géographes (en même temps qu'historiens)  : Ammien Marcellin, qui écrivait à Antioche au IVe siècle et Procope, auteur byzantin du VIe siècle. A la même époque Jordanès, Paul Diacre et le géographe de Ravenne décrivent le nord et l'est de l'Europe, ainsi que l'Italie. Pourtant, malgré le succès obtenu plus ou moins rapidement par Strabon et Ptolémée, on peut dire qu'à partir de cette époque se sont perdus l'esprit et le goût de la science géographique. Au Moyen âge, c'est la conception romaine qui prédomine - du moins en Europe occidentale, et nous ne possédons guère de cette époque que des itinéraires.

Au  VIIe siècle, malgré les voyages en Palestine, la géographie ne fait aucun progrès chez les Latins. L'empire arabe devient, au VIIIe siècle, le siège d'un grand mouvement scientifique dont la géographie a sa part. Massoudi, Ibn Haukal, Edrisi (al-Idrisi), Ibn el Ouardy, Hamdoullah, Aboulfeda, El Bakoui, les grands noms de la géographie médiévale sont tous arabes. Au IXe siècle, les Vikings découvrirent le Groenland et ils visitèrent le continent de l'Amérique du Nord au Xe siècle. Au XIIIe siècle, des missions furent envoyées par les papes dans les parties extrêmes de l'Asie. En 1271, le Vénitien Marco Polo visita la cour de Kubilaï Khan en Chine et, le premier, fit connaître à l'Europe l'existence du Japon et de plusieurs des îles des contrées des Indes orientales. 

Les découvertes maritimes (XIVe - XVIIIe s.).
A la fin du XIVe siècle, les frères Zeni, Vénitiens, utilisèrent les connaissances acquises par les Scandinaves pour dresser la carte des pays du Nord. Au XVe siècle, les Portugais explorèrent les côtes de l'Afrique occidentale. Le cap de Bonne Espérance, atteint en 1486, fut doublé 11 ans plus tard par Vasco de Gama. Mais la plus grande de toutes les découvertes géographiques fut celle de ce qu'on allait appeler le Nouveau-Monde par Christophe Colomb en 1492. Dans les 30 années qui suivirent, toute la côte orientale de l'Amérique, depuis le Groënland jusqu'au cap Horn fut explorée et des navires espagnols sillonnèrent l'océan Pacifique. Américo Vespucci, Pedr'Alvarés Cabral, Jacques Cartier, René de Laudonnière, Jean et sébastien Cabot figurent parmi les nombreux noms de nvigateurs qui marquèrent cette époque.

En 1520, Magellan passa le détroit qui porte son nom, traversa le Pacifique, et le dernier vaisseau, commandé par El Cano, revint en Europe, par la route du cap de Bonne-Espérance après avoir accompli la première circumnavigation. La côte occidentale d'Amérique (sauf la portion qui s'étend au nord de la baie de San-Francisco) fut explorée avant le milieu du XVIe siècle. 
-

Lisbonne : le monument des découvertes.
Sculptures du monument des Découvertes, à Lisbonne. C'est un hommage
aux découvreurs portugais des XVe et XVIe siècles. Source : The World Factbook.

L'ère des grandes découvertes inaugurée par Vasco de Gama et qui trouve son couronnement avec le voyage de Magellan, vite suivi par celui de Drake, aura ainsi été l'occasion d'un immense agrandissement du champ des investigations. Au XVIe siècle, les Anglais et les Hollandais firent d'audacieux et de persévérants efforts pour trouver un passage qui permît d'atteindre l'Inde par le Nord-Est ou par le Nord-Ouest. Les expéditions de sir Hugh Willoughby et de Richard Chancellor en 1553, de Frobisher en 1576-1578, de Davis en 1585-1587, de Barents en 1594-1596, à la recherche de cette route, augmentèrent les connaissances relativement aux régions arctiques. Un résultat semblable fut la conséquence des voyages de Henry Hudson en 1607-1611 et de William Baffin en 1612-1616. En 1818, la tentative de trouver un passage au Nord-Ouest fut renouvelée par le capitaine Ross. Ce fut le commencement d'une série d'expéditions anglaises et américaines.

Au commencement du XVIIe siècle, les Hollandais découvrirent l'Australie (peut-être déjà signalée par Andrea Corsali, au siècle précédent), qu'ils appelèrent Nouvelle-Hollande. En 1642, Tasman trouva la terre de Van Diemen ou Tasmanie, et peu après, la Nouvelle-Zélande et plusieurs groupes d'îles de la Polynésie. Le capitaine Cook dans ses voyages (1768-1679) augmenta les connaissances géographiques. Les navigateurs français La PérouseBougainville, d'Entrecasteaux, etc. ont également participé au XVIIIe siècle à accroître les connaissances géographiques en Océanie. A la même époque, les découvertes en Orient marchaient également à pas de géant. Les relations avec l'intérieur de l'Asie ont été élargies dès le XVIIe siècle par les conquêtes faites par les Russes, par les Anglais et par les Français

Pendant toute cette période, parallèlement aux découvertes de terrain, la géographie s'est également dotée de nouveaux outils, en particulier grâce aux progrès de la cartographie : après les contributions de précurseurs tels que Fra Mauro et Toscanelli, elle a été entièrement renouvelée par Ortelius et Mercator. Par ailleurs, au XVIe et au XVIIIe siècles, les progrès de la science astronomique et de la mécanique (avec l'horloge construite par John Harrison) conduisirent à une révision générale des longitudes et des latitudes des tables de Ptolémée, dont des observations exactes avaient prouvé la fausseté, et au XVIIIe siècle, plusieurs auteurs savants et laborieux, parmi lesquels il faut particulièrement citer d'Anville, s'appliquèrent à la rectification de tout l'ancien système géographique. 

Les dernières terres inconnues.
Au XIXe siècle, la géographie s'est enrichie des découvertes faites dans l'intérieur de l'Afrique, ce continent qui est resté si longtemps impénétrable, par René Caillié, le premier Européen qui soit allé à Tombouctou et qui en soit revenu, par Livingstone, Baker, Burton, Speke, Grant, Cameron; par Stanley et par  P. Savorgnan de Brazza. A la fin du siècle, il ne reste plus guère de terres importantes à découvrir, si ce n'est l'Antarctide dont on commence à peine à deviner les contours depuis seulement quelques décennies. En 1842, Charles Wilkes avait exploré dans le cercle antarctique un continent dont une partie avait été entrevue peu de temps auparavant par Dumont d'Urville et par sir James Ross. Ainsi, à l'exception des régions polaires et du centre de l'Afrique, presque toutes les  parties du globe sont connues; et il ne reste plus de grande Terra incognita. Le champ des explorations n'en était pas fermé pour autant. Il était encore nécessaire à cette époque d'ajouter à la connaissance vague et superficielle d'une foule de contrées des notions plus précises. Elles ont employé, dans la première moitié du XXe siècle, d'immenses efforts et des études approfondies autant que persévérantes.

La renaissance géographique du XIXe siècle.
Des blancs nombreux existaient encore sur les cartes au début du XIXe siècle. Mais les géographes avaient d'ores et déjà engrangé un matériau considérable dont ils pouvaient tirer tout le fruit.  Ainsi s'est produit en Europe dès cette époque une véritable renaissance de la géographie, résultat direct des grands voyages scientifiques de circumnavigation exécutés au siècle précédent. Alexandre de Humboldt et Karl Ritter (La Géographie, de Ritter) en sont, en Allemagne, les protagonistes et font de nombreux élèves qui, dans tous les pays de langue germanique, assurent bientôt le triomphe des idées nouvelles, c'est-à-dire, pour reprendre la distinction faite plus haut, de la conception grecque de la géographie. En France, ce renouvellement a été plus tardif; à la simple énumération de noms propres qu'était encore pendant une grande partie du siècle la géographie, a fini cependant par se substituer - beaucoup grâce à Elisée Reclus  (La Géographie, de Reclus)- une nouvelle géographie, qui, non contente de décrire les phénomènes, les explique, et dont la double fin est d'observer, de classer, d'expliquer les effets directs des forces agissantes et les effets complexes de ces forces associées.

Ainsi, la géographie est devenue enfin à partir du XIXe siècle vraiment la science de la Terre, ou plutôt du présent de la Terre, par opposition à la géologie, qui est la science du passé de notre géoïde. Les deux sciences se touchent et se fécondent mutuellement sans se confondre; en effet, si l'on veut faire court, on dira que la géologie est l'étude du passé à la lumière du présent, tandis que la géographie est l'étude du présent à la lumière du passé  (Leçons de géographie physique, d'Albert de Lapparent). 

Ce n'est pas à dire, comme le feront comprendre les initiateurs de cette renaissance géographique que la géographie, dont l'objet est la vie présente de la Terre, doive s'appuyer uniquement sur la géologie. Ce serait réduire la géographie à la géomorphogénie, qui est tout autre chose. La composition et la disposition du sol ne déterminent pas seules la répartition des richesses sur le globe; les considérations climatiques, botaniques, zoologiques, etc., ne doivent pas être non plus négligées par le véritable géographe, qui a, en outre, pour objet de tenir le plus grand compte de l'action des humains même sur la Terre, de montrer quel lien de connexion unit l'individu au sol qu'il habite, dans quelles conditions et dans quelle mesure les humains modifient ce lien et deviennent à leur tour une cause originale d'activité.

C'est de la combinaison de tous ces éléments, divers et multiples, c'est aussi de leur modification les uns par les autres que résulte la caractéristique d'une contrée, et c'est l'art du géographe, comme le propre même de la géographie, de démêler dans l'étude qu'il fait de chaque pays l'importance relative des divers phénomènes. S'il attribue systématiquement à une classe déterminée de phénomènes ou même à un phénomène particulier une place prépondérante, il ne fait plus de la géographie, mais de la géophysique (ou même de la géomorphogénie), de l'anthropogéographie, de la géographie économique, ou autre chose encore. Les géographes de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, dont Paul Vidal Lablache et Marcel Dubois ont été deux des principales figures de ce renouvellement du regard géographique, ont su se garder des divers dangers qui pouvaient les amener à ne cultiver que telle ou telle branche de la science; comme Ritter, comme Reclus, ils ont continué à faire, en de larges efforts de synthèse, non plus une géographie des liste et des inventaires, mais une géographie des relations et des corrélations - de la véritable géographie, en somme.

La géographie du XXe siècle.
Au début du XXe siècle, la géographie, en tant que discipline scientifique, se trouve à la croisée des chemins entre la tradition descriptive héritée du XIXe siècle et l'émergence de nouvelles approches plus analytiques. Elle reste cependant largement dominée par le paradigme de l'école française, incarné par la figure de Vidal de la Blache. S'opposant au déterminisme environnemental strict qui prévalait en Allemagne, le possibilisme vidalien met l'accent sur la relation dialectique entre l'humain et son milieu. 

La Première Guerre mondiale a un impact majeur sur la géographie, car elle a conduit à une utilisation accrue de la cartographie militaire et de la géographie stratégique. Les géographes, en fournissant des cartes détaillées et des analyses des terrains, jouent un rôle clé dans la planification des opérations militaires. Les géographes sont mobilisés pour leur expertise sur les frontières, les ressources et les populations. Après la guerre, la géographie continue de se développer en tant que discipline académique, avec l'ouverture de nombreux départements de géographie dans les universités. À la fin des années 1920 et au début des années 1930, la géographie humaine, qui se concentre sur les interactions entre les humains et leur environnement, est reconnue comme une sous-discipline distincte. Cette période voit également  l'apparition de nouvelles méthodes de recherche, comme la statistique et l'analyse spatiale.  En Allemagne, Carl Sauer développe l'école culturaliste, insistant sur le rôle des sociétés dans la transformation des paysages. Aux États-Unis, l'accent est mis sur l'étude des paysages culturels, tandis que la géographie économique, influencée par les travaux de Walter Christaller sur la théorie des lieux centraux, commence à se structurer autour de l'analyse des localisations industrielles et des réseaux de transport. La discipline bénéficie également des progrès techniques, notamment dans la cartographie et la photographie aérienne.

Comme lors du conflit précédent, la Seconde Guerre mondiale implique la géographie de façon décisive. Elle favorise l'essor de nouvelles techniques. L'accélération du développement de la photographie aérienne à des fins de renseignement militaire ouvre des perspectives inédites pour l'observation de la Terre et l'analyse des paysages. De plus, la logistique complexe des opérations militaires à l'échelle mondiale stimule la recherche en matière de localisation et d'organisation spatiale. La guerre conduit également à une meilleure compréhension des dynamiques géopolitiques et des relations internationales, ce qui a influencé la géographie politique. Durant les années 1950 et 1960, la géographie connaît une période de croissance rapide, avec l'expansion des universités et des programmes de recherche. Les géographes commencent à utiliser des techniques de terrain avancées, comme la photographie aérienne et la télédétection, pour étudier les paysages naturels et humains. L'après-guerre est aussi une période de reconstruction et de modernisation qui voit l'émergence d'une géographie appliquée. Les géographes sont de plus en plus sollicités pour participer à l'aménagement du territoire, à l'urbanisme et à la planification régionale. En France, cette tendance se traduit par une collaboration étroite avec les pouvoirs publics pour penser la décentralisation industrielle, l'équipement des campagnes et la croissance des villes. 

La période de la Guerre froide a également un impact considérable, notamment en géopolitique. La division bipolaire du monde nourrit une abondante recherche sur les stratégies territoriales des superpuissances, les zones d'influence. La course à l'espace, née de cette rivalité, a par ailleurs été le moteur du développement de la télédétection par satellite, qui allait révolutionner les capacités d'observation et d'analyse de la surface terrestre à grande échelle. De son côté, le processus de décolonisation, qui s'accélère après 1945, contraint la géographie à un examen de conscience. Longtemps complice de l'entreprise coloniale en fournissant des savoirs sur les territoires et les peuples à dominer, la géographie doit désormais repenser ses concepts et ses méthodes. Parallèlement, la géographie physique, devenue discipline à part entière au début du siècle en même temps que la géographie humaine se constituait, se renouvelle grâce aux progrès de la géomorphologie, de la climatologie et de l'hydrologie. Les interactions entre milieux naturels et activités humaines sont étudiées de manière plus fine. Les études commencent à intégrer les problématiques environnementales qui allaient prendre de l'ampleur par la suite. 

Le véritable tournant épistémologique se produit dans les années 1950 et 1960 avec la nouvelle géographie ou géographie quantitative et théorique. Née dans le monde anglo-saxon, cette révolution cherche à faire de la géographie une science à part entière en adoptant les lois et les modèles des sciences dites dures. Rejetant l'approche jugée trop descriptive et littéraire de la géographie classique, les partisans de ce courant, inspirés par les sciences économiques et les modèles de centralité de Christaller ou de Lösch, privilégient l'utilisation de méthodes statistiques, de modèles mathématiques et de l'informatique naissante et développent des approches systémiques pour analyser l'organisation de l'espace. L'objectif est de dégager des lois universelles expliquant la répartition des phénomènes géographiques, comme les théories de la localisation des activités économiques ou les modèles de diffusion spatiale. L'espace devient une surface abstraite, isotrope, sur laquelle on peut mesurer des flux, des densités et des hiérarchies. Des figures comme William Garrison aux États-Unis ou Richard Chorley en Grande-Bretagne jouent un rôle clé dans cette transformation. 

Cependant, cette approche quantitative, perçue comme déshumanisante et technocratique, suscite rapidement de vives critiques. Des géographes , influencés par les courants néo-marxistes et par les sciences sociales, commenct à analyser l'espace comme produit des rapports de pouvoir et des inégalités économiques. Des figures comme David Harvey, aux Etats-Unis, ou Yves Lacoste, en France avec sa revue Hérodote, dénoncent l'instrumentalisation de la discipline au service des pouvoirs économiques et politiques  ("La géographie, ça sert, d'abord, à faire la guerre"). Ils mettent l'accent sur des thèmes comme la ségrégation urbaine, le sous-développement, l'impérialisme et les conflits pour l'appropriation de l'espace. La géographie redevient un outil de critique sociale et un savoir militant.

Ces conceptions sont également contemporaines d'un courant dit  humaniste,  influencé par la phénoménologie et l'existentialisme, et qui s'intéresse aux perceptions, aux représentations et aux expériences vécues de l'espace par les individus. Des chercheurs comme Yi-Fu Tuan replacent l'individu, sa perception et son expérience vécue de l'espace au cÅ“ur de l'analyse. Des concepts comme le lieu (espace transformé en place par l'expérience humaine), le sentiment d'appartenance ou la topophilie (l'amour des lieux) sont étudiés. La géographie humaniste s'intéresse aux dimensions symboliques, culturelles et subjectives du rapport de l'humain au monde, en recourant volontiers aux sources littéraires ou artistiques pour saisir la complexité de l'expérience spatiale. Cette approche permet de renouveler les études sur les paysages, les identités territoriales et les rapports affectifs que les sociétés entretiennent avec leur environnement.

La géographie depuis les années 1980.
À partir des années 1980, les géographes s'intéressent ainsi de plus en plus à la manière dont l'espace est socialement et culturellement construit. Les représentations, les discours, les identités et les pratiques culturelles deviennent des objets d'étude centraux. La géographie postmoderne prolonge ce mouvement en déconstruisant les "grands récits" et les vérités universelles, y compris ceux de la géographie elle-même. Elle met en avant la fragmentation, l'instabilité et la multiplicité des points de vue, s'intéressant aux espaces de la marge, à l'hybridité et aux flux incessants du monde contemporain. On analyse comment les paysages sont porteurs de significations, comment les territoires sont investis de symboles. La géographie féministe, portée par des chercheuses comme Doreen Massey, questionne la neutralité supposée de l'espace et met en lumière les rapports de genre dans la production spatiale.  Dans le même temps, les études postcoloniales contribuent à déconstruire les héritages eurocentriques de la discipline, en s'intéressant aux territoires du Sud global et aux dynamiques de domination culturelle et économique.

Sur le plan méthodologique, l'essor des technologies de l'information transforme radicalement la pratique géographique. L'apparition et la généralisation des systèmes d'information géographique (SIG), du GPS et de l'imagerie satellitaire permettent des analyses spatiales d'une précision inédite. Ces outils, qui révolutionnent la cartographie, permettent de collecter, de stocker, de traiter et de visualiser d'immenses quantités de données géolocalisées. Les SIG, couplés à la télédétection de plus en plus précise, ont transformé la pratique de la géographie dans de très nombreux domaines, de l'environnement à la gestion des risques, de l'urbanisme au marketing. 

Dans les dernières décennies du XXe siècle et au début du XXIe siècle, la géographie devient de plus en plus interdisciplinaire. Elle dialogue avec la sociologie, l'anthropologie, les études urbaines, les sciences politiques et les sciences de l'environnement. Les géographes s'intéressèrent aux flux migratoires, à la mondialisation, aux réseaux transnationaux, aux espaces numériques et aux mobilités. La notion d'espace vécu, de lieu et de non-lieu (Marc Augé) devient centrale, tout comme les questions de gouvernance territoriale et de résilience urbaine. L'écologie politique et la géographie environnementale sont en première ligne face aux enjeux croissants de dégradation écologique, de changement climatique et de justice environnementale. Des concepts comme l'Anthropocène ou la vulnérabilité environnementale sont intégrés dans les analyses spatiales. En somme, la géographie actuelle ne se limite plus à l'étude des lieux et des régions, mais s'attache à comprendre les processus complexes qui façonnent l'espace à toutes les échelles et dans toutes les dimensions de l'expérience humaine.



Paul Claval, Histoire de la géographie, PUF (QSJ), 2011. - L'évolution de la géographie reflète les grands débats intellectuels qui animent la scène occidentale; elle répond également à la demande sociale, à celle des gouvernants en particulier : elle prospère là où se développent des bureaucraties, lorsqu'un empire s'étend ou lorsque la découverte d'un monde franchit une étape. L'histoire de la géographie ne s'éclaire vraiment que lorsqu'on prend en compte à la fois le contexte intellectuel et l'arrière-plan politique et administratif qui caractérisent chaque époque.

C. Demeulenaere, Explorations et voyages scientifiques de l'Antiquité à nos jours, Cths Edition, 2008.

.


[Histoire culturelle][Biographies][Cartothèque]
[Aide][Recherche sur Internet]

© Serge Jodra, 2007 - 2025. - Reproduction interdite.